Une nouvelle prestation
sur le blog… Merci à Samuel Nathan pour cette très belle présentation. De
nouvelles interventions en perspective…
Yair Lapid a signé
la semaine dernière son ultime chronique dans le Yediot Aharonot » du 19
octobre dernier. Il ne s’agit pas pour nous de donner une quelconque couleur
politique mais d’offrir à nos lecteurs français la traduction libre de quelques
très beaux passages d’un texte, le dernier d’une série de plus de 500, écrit
par un journaliste chevronné, ouvert, sincère, à la personnalité généreuse et
attachante qui a choisi d’entrer en politique au début de l’année 2012 et de
mettre ainsi un terme à sa carrière journalistique.
« Ceci
est ma dernière rubrique. J’ai écrit cette phrase il y a plus de deux heures et
depuis je fixe sur elle un regard hébété. Il y a vingt minutes, je me suis mis
soudain à pleurer (pas « les larmes qui montent aux yeux », pas « la
transpiration »
, mais à pleurer vraiment ; dans la famille Lapid, ce sont les hommes qui pleurent tandis que les femmes les regardent avec impatience.)
, mais à pleurer vraiment ; dans la famille Lapid, ce sont les hommes qui pleurent tandis que les femmes les regardent avec impatience.)
Puis l’auteur
cite par l’intermédiaire de deux journalistes qu’il entoure de son respect le
dernier vers du poème : les « hommes creux » de T.S.
Eliot :
« Tel est
le chemin où le monde prendra fin, non dans une
explosion mais dans un sanglot silencieux ».
Et de trouver le texte de son aîné fascinant car « nous sommes fascinés à l’idée que les choses se terminent : d’abord immuables, éternelles, comme une chaîne de montagnes, l’instant d’après leur soleil se couche, se dérobe de leur être et elles disparaissent. » Et sur les pas de son maître en journalisme qui lui a appris ainsi qu’à deux générations de journalistes à travers le monde qu’un grand article a le souci des petits détails, il prend au hasard (!!!) l’exemple suivant : « à quoi ressemble un homme qui écrit sa chronique quotidienne pour la dernière fois ? »
Et de trouver le texte de son aîné fascinant car « nous sommes fascinés à l’idée que les choses se terminent : d’abord immuables, éternelles, comme une chaîne de montagnes, l’instant d’après leur soleil se couche, se dérobe de leur être et elles disparaissent. » Et sur les pas de son maître en journalisme qui lui a appris ainsi qu’à deux générations de journalistes à travers le monde qu’un grand article a le souci des petits détails, il prend au hasard (!!!) l’exemple suivant : « à quoi ressemble un homme qui écrit sa chronique quotidienne pour la dernière fois ? »
Yair Lapid |
Il porte un
jeans levis 504 de taille 34 car il est préférable de ne pas revêtir des habits
qui serrent dans ces moments-là, une chemise tricot gris clair, des chaussures
noires de chez «Timberland » pointure 44 avec des semelles orthopédiques ;
sur la table, une montre, la sienne et deux bagues de mariage, la sienne et
celle de son père qui a été ajustée précisément afin de convenir à son doigt.
Avant de s’installer pour écrire, il s’est rasé et s’est aspergé d’after-shave.
Il procède toujours ainsi par respect à l’égard de son métier. Il écoute une playlist
préparée il y a quelques mois, qui réunit principalement des ballades de rock
anciennes. Il boit en vitesse son espresso encore bouillant parce qu’il est
addict à l’espresso et en boit au moins douze par
jour. Il écrit doucement, choisit chaque mot, essaye de tirer du mieux qu’il
peut l’instant présent. »
Lapid évoque ensuite
sa séparation d’avec le monde télévisuel : « En janvier dernier,
quand j’ai annoncé mon entrée en politique, j’ai arrêté aussitôt de travailler à
la télévision. J’ai eu une carrière télévisuelle longue et féconde et cela a
été dur pour moi de me séparer de mes bons collègues de travail mais je n’ai eu
aucun mal à quitter l’écran, et depuis, cela ne me manque pas, même pas du
tout. La télévision a été pour moi quelque chose que j’ai fait. L’écriture de
cette rubrique, en revanche, représente ce que je suis. L’écriture est le cadre dans lequel j’ai inscrit mon moi, pour
moi, au cours de ma vie d’adulte et j’ignore totalement ce que signifie être un
homme sans écrire de chronique.
Et en dépit de
tout le bien qu’il pense de la vie politique et de sa vie politique, il avoue :
… mais je dois reconnaître que pour la première fois j’ai peur de quelque
chose. J’ai peur de la semaine qui vient. De l’espace vide, de l’instant au
cours duquel je comprendrai que désormais je n’écris plus de chronique ».
L’auteur invite
ensuite son lecteur à parcourir son itinéraire professionnel à forte prédisposition
familiale pour la presse et les médias avec des grands-parents, des parents et
une épouse journalistes. Il débute en 1982 dans le journal militaire : BAMAHNÉ.
En 1985, il entre
au Maariv et obtient son premier diplôme de journalistes. Il raconte :
"De retour à la maison, je l’ai montré au chauffeur d’autobus, non pas qu’il fût particulièrement intéressé mais je me sentais tout simplement obligé de le
montrer à quelqu’un afin d’éviter de laisser éclater mon bonheur. Quand je
regarde aujourd’hui les journalistes de vingt ans et des poussières, ils
me semblent affamés, emportés, souvent sans illusions. Heureux ?
Non !"
En 1992, il signe
sa première chronique et dix ans plus tard il passe au Yediot Aharonot
et il remarque qu’en plus de vingt années, il n’a raté que deux
chroniques : une fois quand il s’est marié, et une autre fois lors de la
naissance de Lior, son fils cadet : c’est tout !!! Et d’expliquer que
les faits et les expériences de sa vie étaient de deux sortes et lui
apparaissaient immédiatement comme racontables dans la chronique ou sans
importance particulière. A partir de là, tel un ouvrier dans son usine, il
s’est dévoué pour ses lecteurs, ne demandant ni ne désirant des jours de
vacances, n’ayant jamais besoin qu’on lui tienne la main, ne dérangeant jamais
personne sur ses états d’âme d’artiste, son texte toujours présenté à temps,
toujours imprimé, les virgules et les points au bon endroit et toujours rédigé
dans un hébreu correct, convoquant toutes les ressources de la technique littéraire
apprise et acquise au service et pour le plus grand respect du lecteur. Mais si
la technique est une aide, « les mots, dit-il, sont avant tout
un cadeau que nous donne D. afin que nous puissions penser. Alors j’ai écrit ce
que j’ai pensé, ce en quoi j’ai cru, ce qui m’a amusé, ce qui m’a mis en colère »,
pratiquant un journalisme positif sachant évacuer le cynisme et la méchanceté.
Le mot de la fin
rappelle curieusement la teneur et le ton des Radioscopies d’antan de Jacques
Chancel.
« Dois-je
regretter quelque chose ?
-
Presque chaque mot
-
Pourquoi ?
-
Parce que j’écris lentement, et difficilement. Il
se peut que cela vous étonne. Les gens me disent toujours : « Ecris
donc quelque chose. Chez toi, ça vient facilement ».
Je n’ai jamais démenti car un bon article consiste aussi dans le fait que
les gouttes de sueur n’apparaissent pas sur la
page mais en vérité ce n’est pas juste. J’écris lentement et réécris
encore plus lentement et encore et de nouveau. » Et il termine ainsi : « Si je devais
tout recommencer depuis le début, je referai exactement tout de la même façon
mais j’écrirais cela beaucoup mieux.
Salut donc, nous nous reverrons dans d’autres lieux et merci d’avoir lu. »
……
Bon vent donc à Yair Lapid. Excellente réussite dans sa nouvelle vie et ses
nouvelles orientations professionnelles.
Un regret tout de même : Chienne de politique qui nous enlève
un si bel écrivain…. !
Samuel Nathan
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