Dans la perspective de la semaine de la gastronomie française
organisée par l’Ambassade de France du 04 au 08 février 2013, la journaliste
Yael Lerner a rencontré l’ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot.
Rencontre personnelle avec les
lapins domestiques Napoléon et Joséphine
Humus excellent chez Ali Keruan et
balade insolente en vélomoteur
Sortie culinaire à Yafo avec
Christophe Bigot, ambassadeur de France en Israël
Quand il voit les vagues, il se sent
à la maison.
Photo Israel Ayom, Christophe Bigot et Yael Lerner |
Un jour ensoleillé presque estival après une semaine
de tempête, des voiliers ancrés près de petits yachts et de modestes barques de
pêcheurs et Christophe Bigot, ambassadeur de France en Israël, assis sur un
filet de pêche improvisé en grande « conversation sur la vie »
avec un pêcheur souriant qui lui raconte d’emblée, à notre grand étonnement,
que lui aussi a servi dans la fonction diplomatique en tant que consul en Biélorussie.
Amusant…
Bigot est amoureux de notre petit état et en fin de
semaine, avec son épouse et leurs deux enfants, ils ont pris l’habitude de se
promener à travers le pays et de vivre ensemble des moments choisis. Le guide
qu’il est de notre petite promenade demande que nous la commencions par
l’ambassade à Yafo. Je suis émue à l’idée de voir enfin à quoi ressemble
l’intérieur de la bâtisse impressionnante et moderne, de style Bauhaus, que
j’ai regardée tant de fois, implantée là au cœur du quartier arabe de Yafo et
sur laquelle flotte le drapeau français.
Ambassade de France à Yafo, rue de Toulouse (photo site de l'ambassade) |
Nous sommes reçus devant une table recouverte de mets
succulents préparés par le « chef » talentueux de l’ambassade, Tibor
Bara, parmi lesquels le fameux croissant et des variétés de pralines et de
chocolats confectionnés également de ses propres mains. La table est décorée
par un bouquet de fleurs si raffiné, si représentatif de la délicatesse
française que je ne cesse de m’émerveiller.
Un peu d’histoire tout d’abord : la Résidence de
France se trouve sur une jolie colline au cœur du quartier Ajimi à Yafo (Rehov
Toulouse 1 angle Pierre Mendes France) et on dit de la maison qu’elle a une
histoire particulièrement fascinante. Durant les années 30, pendant le mandat
britannique, un homme d’affaires aisé, originaire de Yafo, qui s’appelait Mouhamad
Ahmed Abdul Rahim s’est adressé à l’architecte juif Isaac Rapoport pour lui
demander de faire les plans de sa maison. Les liens d’amitié qui se sont alors
noués entre les deux hommes sont à la base de cette charmante maison.
Rapoport voulut construire pour Abdoul Rahim « un
palais moderne » qui résulterait de l’union de l’architecture islamique et
des lignes droites du Bauhaus. Quand éclata la grande révolte arabe de 1936,
Tel-Aviv et Yafo furent séparées mais les événements ne ralentirent pas l’avancement
des travaux. On raconte que Rapoport se rendait tous les jours à Yafo, déguisé
en arabe, pour surveiller leur progression. On sait aussi que tout au long de
cette période, Rapoport a recueilli des informations pour la Hagana grâce aux
rencontres d’Abdul Rahim avec les chefs musulmans qui avaient lieu chez lui. En 1948, Abdul Rahim part au Liban et il confie à son architecte la responsabilité
de la gestion de son bien. L’année suivante, Rapoport, à la demande d’Abdul Rahim,
vend au gouvernement français la très belle résidence qui voit depuis lors des
générations d’ambassadeurs se succéder en son sein.
De retour de notre petite
promenade, j’entre dans la maison par une très belle porte de bois et je
découvre un mélange rare de passé et de présent : des escaliers luxueux,
des arcs, des dalles de carrelage dessinées, un salon élégant et chaud avec un
magnifique piano et même des peintures modernes. Bigot me raconte qu’au premier
étage, Rapoport a fait construire deux ailes, l’une pour les hommes et l’autre
pour les femmes et qu’il a aménagé dans le mur une lucarne grillagée afin que
les femmes puissent suivre les faits et gestes de leurs maris.
Mais ce que l’ambassadeur affectionne le plus dans
cette maison, c’est le très grand et beau jardin où s’ébattent en toute liberté
un couple de lapins domestiques – Napoléon et Joséphine – ainsi baptisés par
ses soins, qui se multiplient… comme des lapins et encore la terrasse qui donne
sur la mer, dans l’éclat de ses myriades de tons bleus.
Humus avec l’ambassadeur
Nous passons au lieu suivant que notre respectable
ambassadeur a demandé de visiter. Le Humus d’Abou Hassan (Ali Kerouan) à Yafo.
Le chauffeur de l’ambassade arrive avec la voiture de fonction mais Bigot me
propose de monter avec lui sur son vélomoteur. Oui, car c’est ainsi que le très
respectable ambassadeur aime se véhiculer. « Comme ça, j’arrive plus
vite et je suis aussi un peu plus tranquille », avoue-t-il. Je commets
l’erreur de monter avec lui. Comment dire cela en prenant des gants ? Son
Excellence l’Ambassadeur de France conduit comme un Israélien – dans la vitesse
et l’insolence -. (…)
Nous arrivons à la « humussia ». « C’est
l’un des endroits dans lesquels j’aime le plus manger », dit-il et il
commande le fameux « Mechulach », bien sûr. « Le « mechulach »
en question est une variété de humus « masbaha » qui est servie avec des fèves et des pois chiches et
c’est l’un des meilleurs humus que j’aie jamais goûtés, dit-il, chaud, fondant, merveilleusement épicé,
servi avec de l’oignon frais, des Pitot et encore un peu de piment sur le côté.
Il n’est pas encore midi et le restaurant de humus est
déjà bondé mais nous trouvons des places et nous nous installons. Haani – qui
appartient à la troisième génération de propriétaires de la maison – entame une
conversation avec l’ambassadeur dans un français châtié, et il n’est pas le
seul. De nombreux habitants bavardent avec l’ambassadeur dans un français
courant. Il se trouve qu’à Yafo, il y a une vieille école française, le collège
Des Frères, dans laquelle ma sœur,
moi-même et de nombreux habitants du quartier ont étudié.
Le restaurant de humus, Ali Keruan l’a ouvert il y a
50 ans. En fait, au début, il tournait avec sa charrette et il vendait à tous
ceux qui le sollicitaient les pois chiches, la masbaha et les fèves que sa
femme, Oum Hassan, cuisinait. Haani Keruan, son petit-fils me raconte que le
secret de la réussite de l’établissement réside dans le humus et la relation
humaine. « C’est exactement le même humus qu’on vendait ici il y a 45
ans. Selon exactement la même recette et nous honorons tout le monde,
indépendamment de la provenance, du sexe ou de la religion. » Un
conseil : il est bon de venir ici entre 8 heures et 15 heures car le humus
est vendu jusqu’à épuisement du stock prévu et s’il est épuisé avant, les
portes se ferment avant également.
Nous descendons à pied vers le port de Yafo. Bigot
veut venir ici car il a grandi en Bretagne et habité au bord de la mer et il se
sent ici chez lui. Il prend de bonnes bouffées d’air pur, il me raconte que
cela fait déjà sept ans qu’il habite là et qu’il observe les changements qui se
sont réalisés dans la ville. Un quartier difficile avec un port négligé et
abandonné est devenu le lieu d’un endroit empreint d’un charme réel. Nous
marchons le long des hangars transformés en espaces étonnants abritant des
galeries et nous regardons les barques ancrées sur la jetée. Des cafés pleins
de monde et les pêcheurs recueillant à point nommé la marée de l’après-tempête.
Je me dis en moi-même que ce lieu est plein de beautés, l’ancien près du
nouveau, le sale à côté du propre et l’ordonné côtoyant le désordre. Simplement
charmant. C’est alors que Bigot me raconte qu’il a vu le film « Metsitsim »
(1972) et qu’il est positivement impressionné par le développement de Tel-Aviv
depuis ces années-là. Cela m’amuse de constater que l’ambassadeur de France a
vu un de nos films cultes et de surcroît, qu’il a apprécié.
Nous entrons dans le souk du port d’origine et Bigot
se précipite vers l’étal des confiseries pour acheter des chocolats pour son
adolescente de fille. Sachez toujours que dernièrement s’est ouverte dans
l’entrepôt n°1 du port une zone culinaire et que tous les vendredis a lieu un
nouveau marché de l’agriculture. Nous nous promenons entre les étals du souk et
moi, je m’enthousiasme en particulier devant une boutique de vêtements de
stylistes de valeur gérée ici par le « Hatser Anachit » qui est une
association qui fait don de toutes ses rentrées aux enfants en difficulté.
L’ambassadeur et moi entrons dans une conversation
politique et ne vous y trompez pas, Bigot sait parfaitement s’orienter dans les
arcanes de la politique israélienne et même dans les ragots, ce qui est
étonnant.
De port en port
Pour terminer, Bigot demande à aller au restaurant
« Mul Yam » situé dans le port de Tel-Aviv. Il se trouve que
justement la nourriture de ce restaurant huppé lui rappelle la maison dans la
façon bretonne de cuisiner et avec les fruits de mer qu’il avait l’habitude de
manger quand il était enfant. « Dans ce restaurant, me confie Bigot, je
viens pour des occasions particulières, quand je veux fêter quelque
chose : un anniversaire de mariage, un anniversaire ou pour me rappeler ma
maison. » Et en effet, on voit qu’il apprécie la nourriture et qu’il
la comprend. Il compare des aliments qu’il a mangés dans tous les coins du
monde et il échange des expériences et des mets succulents avec le fils
Maharovsky, le fils de Chalom Maharovsky, le patron du restaurant.
Nous commençons par un merveilleux velouté de légumes
de racine blancs avec des champignons de la forêt et de l’oignon revenus dans
de l’huile aromatique, création du chef Yoram Nitsan ; nous respirons de
bien-être et la conversation va bon train.
Nous continuons avec l’un des meilleurs plats de la
maison – un plat de pâte végétarienne excellente appelée « Aniloti
Tartofi ». C’est une pâte faite maison, farcie de ricotta et de truffes,
avec des asperges, des zucchini et des champignons. Nous nous régalons de
chaque instant, de la compagnie comme des saveurs.
Bigot souligne que, dans les dernières années, les
Israéliens ont noué une relation différente avec la nourriture – plus de
rigueur et d’ouverture à d’autres saveurs, à d’autres manières de cuisiner, à
la gastronomie. Et Maharovski d’ajouter que si dans le passé les mères juives
voulaient que leurs enfants grandissent pour être médecins ou avocats,
aujourd’hui elles préfèrent qu’ils deviennent chefs… et nous rions. Pour
prendre part à ce changement, l’ambassade organisera le festival des chefs
français et à cette occasion est attendue notamment en Israël Danièle Delpuech,
la cuisinière personnelle de l’ancien président François Mitterrand.
Photo Israel Ayom, l'oeuf de Fabergé dégusté par l'ambassadeur... |
Nous terminons ce délicieux et long repas selon la
meilleure tradition française par l’Oeuf de Fabergé. Il fallait voir
l’ambassadeur quand le dessert désiré fut servi – le visage éclairé comme celui
d’un petit enfant… ! Il casse l’œuf et nous profitons tous de la boule de
cristal sucrée, fourrée de mousse de pistaches et de fruits rouges de la forêt.
Nous parlons de la situation internationale – de l’intervention française au
Mali, du terrorisme, des deux-états-pour-deux-peuples et du Proche-Orient.
Bigot dit que les Palestiniens et nous sommes obligés de trouver un moyen pour
communiquer entre nous. Je ne peux pas accepter davantage* et je termine une
magnifique promenade avec un homme intéressant.
*Note du traducteur : traduction incertaine.
Yaël Lerner
Yaël Lerner
Article de presse de Yaël Lerner
extrait du supplément hebdomadaire « Chichabat » du 25/01/2013 pages
66, 67, 69 du quotidien gratuit Israelhayom librement traduit et adapté par
Samuel Nathan pour cequejeregarde.com
Pour toutes les informations relatives à
l’organisation de ce festival, rendez-vous sur le site de l’Ambassade de France
en Israël : www.ambafrance-il.org
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